mardi 16 février 2010

lundi 5 mars 2007

Folie blanche

Elle voulait être seule. Elle fuyait tout : le bruit, ses proches, ses amours comme ses haines. Elle rêvait : être seule, éternellement seule dans un univers blanc, infini. Etait-ce vraiment ce qu'elle vraiment ce qu'elle ressentait ou jouait-elle un rôle ? Elle ne savait pas, ou plus, mais elle fuyait quelque chose - lâchement ?... -, une chose qu'elle se rappelait plus.
Du temps s'écoula. Le silence était revenu. La maison semblait vide.
Elle ouvrit la porte qu'elle avait fermée à double tour lors de sa crise, puis elle glissa sa tête dehors. Personne. Où étaient-ils ? Ses parents ? Son portrait exacte de soeur ? Le garçon indifférent à ses sentiments ? L'autre qu'elle détestait autant qu'elle ? Là encore, elle jouait la comédie... Peut-être pas. Elle sortit de sa chambre et prit l'escalier, qu'elle descendit lentement, silencieusement, inspectant chaque recoin. Rien.
Elle était arrivé en ba et elle hésita à continuer. Il commençait à faire rudement chaud... Sortir... Elle alla à l'entrée, et dans un geste quasi théâtral, elle prit la poignée et ouvrit. Elle ferma les yeux, inspira longuement. Bouffée d'air. Bon.
Elle cligna des yeux quand elle voulut les réouvrir, éblouie par la blancheur immaculée qui remplaçait ciel et terre. Elle secoua la tête. Réve ou cauchemar ? Elle referma la poarte violemment et s'affaisa littéralement derrière.
Elle resta de longues minutes interdite. Joie ou angoisse ? Quelle attitude prendre ? Savait pas. De toute façon, il n'y avait toujours personne, alors elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Elle sortit pour de bon, laissant la porte d'entrée grande ouverte. Elle fit une dizaine de pas. Du revers de la main, elle se débarrassa de la mèche de cheveux piégée dans la commissure de ses lèvres. L'angoisse revint. Elle avala difficilement sa salive. Elle se retourna brusquement ; la maison avait disparu. Elle fut prise de vertige. Tout était blanc, trop blanc.
Elle était prisonnière de l'éternel, de la pureté, de son imagination née d'un amour contrarié par sa fierté... Elle était seule, infiniment seule, dans un univers blanc, sans limite... Dans sa folie blanche tâchée de noir...

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Le manège a tourné


C'est la fin de la fête, le manège a tourné. L'arbre à cames a fini d'émouvoir le poney tout rouillé, le carrosse de la fée carabosselée. C'est l'inertie du cercle sans fin qui termine d'encercler ce monde de fées et d'anges sans autre destin que tourner.
Les engrenages ont geint et les rouages ont rouillés. Ils grincent encore un instant pour livrer les derniers rêves avant le grillage de tomber. La lumière commence à baisser et le manège avant qu'il s'éteigne, balance qu'il n'y a plus de place pour les rennes dans cette fête foraine, juste une place de princesse avec un résidu de tendresse matîné de tristesse dans le coin du mécanicien.
C'est la fin de la fête et le manège va s'arrêter. Les rêves enfantins, les malabars et les marshmallows sont périmés.

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jeudi 15 février 2007

Afrique


Quelque part en plein coeur de Paris.


C’est la fin du voyage : les stores vénitiens sont tirées et ne laissent filtrer qu’une douce lumière tamisée. Il dessinent sur les murs blancs leurs zébrures dorées, fauves, qui donnent au studio deux pièces un air de savane, d’Afrique. On entendrait presque le bruit suraigu des criquets, le battement terrible du tam-tam, les cris stridents des guerriers sauvages partant à la mort. Je les vois couverts de leurs peintures de guerre, couverts de cicatrices sanglantes ; ils grimacent, ils dansent les ombres de l’agonie comme des branches remuées par le vent. La chaleur étouffante s’est même prise à ce jeu d’ombres chinoises. Le soleil de feu d’Afrique a jeté son âme ici. Un barrissement d’éléphant furieux retentit à travers la solitude silencieuse de la pièce. Le tam-tam résonne de plus en plus comme s’il se rapprochait puis il retombe dans le lointain. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il dit, pourtant je suis sûr qu’il me parle, je l’ai déjà entendu, il y a longtemps peut-être. J’ai chaud. La température ne descend toujours pas, tout devient moite, poussiéreux, sale. Venue avec sa faune et ses déserts brûlants, l’Afrique est ici. Je ne sais pas pourquoi l’Afrique : j’y pense, j’ai peur. Mes yeux ne se ferment plus. Je suis là, couché sur le canapé, trempé de sueur. Je regarde le plafond griffé par les traits jaunes de lumière. On dirait une blessure. Seul un animal fantastique par sa taille pourrait avoir entaillé la paroi pareillement. Je ferme les yeux, je préfère ne pas croiser cette créature au hasard d’un regard.

Je voudrais en finir avec cette souffrance mais je suis impuissant : c’est comme partout. Je pense à elle, si féminine, je voudrais en finir avec cette souffrance mais je l’ai tant désirée. J’aurais voulu qu’ainsi ces yeux me regardent, qu’elle ait enfin pitié. Mais elle n’est pas là. Elle restera hautaine, indifférente au monde qui est à ses pieds. Elle l’écrasera comme elle m’a écrasé. Je souffre mais c’est la dernière fois.

Soudain, je sens comme une fraîcheur qui me pénètre le cœur. Je ne regarde pas. Cette bise ne dure que l’espace d’un instant et la chaleur reprend sa place violemment comme agacée par cet intermède humain. Je pense. Le tam-tam reprend ses battements sourds, graves. Je pense à elle. Elle que je regardais depuis longtemps, elle dont j’observais le moindre geste, la moindre moue. Elle était le diable et je ne l’avais pas vu. Sa crinière flamboyante où je respirais mille senteurs exotiques, tropicales, sa douce peau de lait aux suaves saveurs orientales : tout cela n’était qu’un trompe-l’œil. La tendresse qui me réchauffait le cœur dans les mauvais jours ne préparait que la combustion suprême de mon être. Les mots doux susurrés au creux de l’oreille n’étaient que des flèches fines et acérées. Dans l’enfant ingénue que je croyais, se cachait un monstre assoiffé, malfaisant tout juste sorti des Enfers.

Mon front se perle de sueur, j’ai peine à respire, je trouve un soupçon de courage pour l’essuyer du revers de ma main. Le tam-tam s’éloigne de nouveau, ma respiration redevient régulière. Le calme africain revient. Un nouveau cri, plus lointain, résonne dans mes oreilles, angoissant, une hyène probablement. Je divague, un nouveau courant d’air, encore plus bref que le précédent, plus froid. Le tam-tam frappe, m’assourdit de son martèlement morbide. La chaleur s’est changée en feu, brûlant, dénué des volutes translucides, dansantes que l’on voit habituellement au-dessus du brasier. Je sens la fournaise qui souffle sur moi sa flamme destructrice. Je crache rouge, à chaque respiration, le liquide incandescent s’échappe me laissant vide. Elle m’a tué. Je me renverse. Mille douleurs fulgurantes m’enlacent. Je ne suis plus qu’une flamme qui se tord de douleur. Elle m’a tué. Je rampe comme une bête agonisante, marquant le sol d’une bande écarlate. J’ai envie de vomir. Elle m’a tué. Je ne sais ce que je fais, je me traîne lamentablement ; le tam-tam continue et me rend fou, la douleur s’amplifie et me rend fou. Elle m’a tué. Je ne vis plus, les images désordonnées, floues. Je me meurs ; elle et son feu m’ont consumé. Je l’aimais, je la hais. J’étais passion, elle était feu. Ma main se crispe sur le manche du couteau planté dans mon cœur.

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jeudi 21 décembre 2006

L'imbécile de Vernes

L'étranger se promenait dans les rues de la petite ville de Vernes. Elle semblait vide. Il n'avait rencontré personne depuis la demi-heure qu'il marchait. Il arriva bientôt près d'une sorte de square établi sur la pointe d'une falaise abrupte qui plongeait dans la mer. Assis sur un banc rongé par l'air salin, il y avait un vieux qui regardait avec lassitude les vagues se déchaîner contre les rochers, écumer de rage et recommencer de plus belle. L'étranger s'approcha et entra dans le square. Un vent violent et fort le prit à la figure. Il maintint sur ses oreilles le chapeau et les lunettes noires qui cachaient son visage. A quelques mètres du vieux et son banc, il remarqua une croix blanche au pied de laquelle un bouquet de fleurs fanées était posé. Il avança de quelques pas pour distinguer plus distinctement le texte de ce qui devait être une plaque mortuaire. Son visage changea d'expression lorsqu'il lut : «Ici est mort un imbécile.»
«Cela vous surprend tant que cela ?... Ne restez pas là ainsi... Venez ici...»
L'étranger se retourna. La voix éraillée du vieillard lui avait semblé si ironique, si peu à propos, qu'elle l'avait tiré de sa torpeur première. Enfin, il finit par répondre avec calme :
«Il y a de quoi être stupéfait, vous ne pensez pas ? Un mort reste un un mort et ne mérite, quelque il soit, selon moi, le titre si humiliant d'imbécile...
-Vous ne connaissez donc pas l'histoire de l'imbécile de Vernes ?...
-Non, j'aimerais pourtant bien la connaître pour m'expliquer le ridicule dont on a couvert cette tombe en posant cette plaque. Là savez-vous, vous, l'histoire ?
-Bien sûr, et je la connais assez bien pour pouvoir, s'il vous plaît de vous asseoir quelque temps à mes côtés, vous la raconter.

(à suivre)